Je connais Nicole Pouliot depuis près de 7 ans. C’est une femme discrète, qu’on devine immédiatement généreuse et toujours prête à aider les autres. Je la croise au travail, dans la salle à dîner, lors d’activités sociales, dans les corridors. On se parle régulièrement, de tout et de rien. Pourtant, il a fallu que j’écrive cet article pour découvrir qu’elle a fait partie des membres fondatrices, en 1987, du Syndicat des Agricultrices de la Mauricie. Une étape marquante dans un parcours d’implication commencé dès le début des années 80, et qui se poursuit encore aujourd’hui.

Des racines solides et le cœur à la bonne place
Nicole Pouliot a grandi sur une petite ferme de bovins de boucherie, à Saint-Isidore-de-Clifton, en Estrie. Troisième d’une famille de six enfants, Nicole aimait aider son père aux travaux extérieurs et pratiquait l’équitation. C’est d’ailleurs en technologie agricole, option équine, à l’Institut de technologie agroalimentaire de La Pocatière (La Poc pour les intimes), qu’elle a fait ses études.
Lorsqu’elle a obtenu son diplôme, elle a fait un passage de quelques mois au ministère de l’Environnement à Québec. C’est là qu’elle rencontre Jacques, le jour de son 20e anniversaire.
« J’ai rencontré Jacques à l’occasion de ma fête. Ça a été le coup de foudre tout de suite. »
Originaire de Saint-Adelphe, Jacques est fils de producteur laitier.
En août 1980, Nicole est transférée au ministère de l’Agriculture, au bureau local de Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Elle y restera 10 ans.
En mai 1981, Nicole et Jacques se disent oui pour la vie et, quelques jours plus tard, Jacques achète la ferme de son père.
Malgré un horaire chargé, elle participe aux réunions du syndicat de gestion Champlain-Laviolette, pour en devenir rapidement trésorière, en 1982. Elle y restera impliquée jusqu’en 2001.
« À cette époque-là, il n’y avait pas beaucoup de femmes qui s’impliquaient. C’était surtout les hommes qui prenaient ces places-là. Ce n’était pas juste de la gestion, c’était aussi un groupe d’amis, un groupe de soutien. »

S’impliquer pour faire avancer les choses
Mi-vingtaine, jonglant entre les responsabilités de femme, de jeune maman et d’agricultrice, elle trouve en plus du temps pour rejoindre le comité de la garderie de ses enfants et, plus tard, le comité de parents de l’école.
En août 1987, un article dans La Terre de chez nous était consacré à la future création du Syndicat des Agricultrices de la Mauricie. Interviewée pour l’occasion, Nicole, alors enceinte de son troisième enfant, affirmait :
« Quand on pourra entendre un père dire : moi, je vends ma terre à ma fille, bien des choses vont changer. »
Avec le recul, on peut dire qu’elle a participé à ce mouvement de transformation, en faisant sa part pour que les agricultrices trouvent leur place et leur reconnaissance.
Le syndicat est officiellement fondé le 21 novembre 1987, dans la salle paroissiale de Saint-Maurice. Encore à ce jour, Nicole en est membre et a même assuré la présidence de 1998 à 2001. Tout au long de sa carrière, elle siège sur différents conseils d’administration, dont ceux de la Fédération de l’UPA de la Mauricie, du Réseau Agriconseils Mauricie, du Syndicat de base de l’UPA de Normandie puis du Syndicat de l’UPA de Mékinac, de la Société d’aménagement et de mise en valeur du bassin de la Batiscan (SAMBBA), pour ne nommer que ceux-ci.
S’impliquer lui donne la chance de contribuer aux décisions, et non pas seulement de subir les choix.

Innover et toujours rebondir
Toujours à la recherche d’innovations, Jacques et Nicole ont cherché à diversifier leur ferme laitière déjà bien établie. Par exemple, dans les années 90, persuadés que l’élevage d’émeus deviendrait une production en demande, ils sont revenus d’une réunion à Saint-Hyacinthe avec trois petits émeus, dans une boîte. Avec le recul, Nicole en rit :
« L’élevage d’émeus n’a pas duré très longtemps. Les marchés n’ont jamais décollé comme prévu, mais c’est resté un projet marquant de notre parcours. »
Ils ont aussi été pionniers dans la culture de l’asclépiade, au début des années 2010. En 2013, ils ont fondé la Coopérative Monark, dans le but de développer la culture et la transformation de cette plante prometteuse.
Malheureusement, des problèmes de parasites et de régie ont mis fin à cette aventure visionnaire.
« Si demain matin, on trouvait une façon de régler le problème, probablement qu’on recommencerait… C’est une super belle opportunité. »
Ne jamais baisser les bras pourrait définitivement être leur devise. En septembre 2006, alors qu’elle est en déplacement, Nicole reçoit un appel de son fils lui annonçant qu’un incendie ravage l’étable. Heureusement, personne n’a été blessé, mais certaines bêtes périssent.
Nicole m’a raconté l’événement avec beaucoup d’émotions, en m’expliquant que ça a été un moment très difficile. Encore une fois, elle a démontré toute la résilience et le positivisme dont elle a toujours fait preuve devant l’adversité.
« Tu te lèves le matin et tu n’as plus de vaches à traire… c’est un drôle de feeling. Nous avons décidé de ne pas reconstruire et de vendre notre troupeau. On a pris le temps de faire des choses qu’on n’aurait peut-être pas faites si on avait continué comme avant. »
Le temps des récoltes
Même si le temps a passé, que les enfants ont quitté la maison, que les cultures ont diminué et que les vaches ont disparu, Nicole poursuit ses implications. Toujours passionnée par le développement génétique des animaux, elle assure depuis 2015 le secrétariat du Cercle d’amélioration du bétail (CAB) Mauricie–Portneuf.
Avec Jacques, son complice depuis plus de 45 ans, elle profite aujourd’hui davantage de ses enfants et de ses cinq petits-enfants.
Nicole Pouliot n’a jamais cherché les projecteurs, et pourtant, elle fait partie de ces personnes dont on se souvient longtemps. Parce que son histoire, c’est aussi celle d’une génération qui a transformé l’agriculture en Mauricie, à force de courage, de solidarité et d’amour de la terre.
Depuis la rédaction de cet article, Nicole Pouliot a reçu le prix Coup de cœur au Gala Agricultrices du Québec 2025. Une reconnaissance pleinement méritée pour un parcours inspirant et un engagement remarquable.